Bien choisir la farine pour votre pain maison est très important !!
Si on peut plus ou moins rater sa fournée avec de la bonne farine, il est impossible de réussir avec une farine de mauvaise qualité.
Quelles sont donc, à mon humble avis d’amateur, les « bonnes qualités » d’une farine pour le pain ?
J’ai fait cuire mon premier pain il y a longtemps.
J’avais 20 ans et je manquais de connaissances…
Il faut dire que, si aujourd’hui nous sommes noyés d’informations (et la difficulté est devenue de faire le tri), à l’époque pas d’internet et on trouvait peu de livres sur le sujet.
J’avais lu un article bateau dans une revue qui disait : mélanger de la farine et de l’eau à parts égales pour faire votre levain.
J’ai mélangé, ça n’a jamais commencé à lever.
Ça ne m’a pas empêché de continuer à avancer dans l’impasse : faire une pâte avec ce levain qui n’en étais pas un, et essayer de faire cuire.
Inutile de vous dire que le résultat a été une catastrophe.
Inutile même d’essayer d’en manger un petit morceau…
Ça m’a soigné de vouloir faire du pain pour quelques mois, mais quelques mois seulement…
Il faut dire que j’avais fait toute la collection des erreurs imaginables.
Mais la première d’entre elles était de ne pas m’être posé la question : de la farine oui, mais quelle farine ?
(1) De la Farine de quoi ?
Faire du pain implique de faire lever (fermenter) notre levain puis notre pâte. La céréale qui permet le mieux cette levée est le froment (blé tendre).
On utilise aussi l’épeautre (cousin du froment) et le seigle, mais le froment est la céréale reine pour le pain.
On peut ensuite ajouter d’autres céréales (petit épeautre, orge, millet, avoine, maïs…), mais comme elles ne participent pas ou peu à la levée, on ne peut pas en ajouter trop, sinon le pain obtenu ne sera pas assez aéré.
Les différentes variétés de blé tendre ont des qualités différentes, et on les mélange pour faire «un cocktail» permettant d’obtenir la farine ayant les meilleures qualités boulangères possible.
Une farine pour faire du pain est donc issue de la mouture d’un mélange de variétés de blés tendres.
On distingue les variétés anciennes (avant la seconde guerre mondiale) et les variétés modernes (qui ont été sélectionnées depuis).
Le soucis de l’après guerre était de produire de l’alimentation en masse pour nourrir la population, aussi la sélection a porté sur l’accompagnement de l’industrialisation de l’agriculture et de la boulangerie.
Meilleurs rendements, blés adaptés à la mécanisation, farine donnant une pâte capable de résister aux pétrissages industriels dans d’énormes malaxeurs mécaniques déployant une force incomparable avec les bras, aussi musclés soient-ils, du boulanger.
Cela a amené à sélectionner des blés ayant des glutens de plus en plus robustes.
Qu’est-ce que le gluten ? C’est une substance formée de protéines qui donne à la farine la propriété de pouvoir fermenter quand elle est au contact de l’eau. Il donne de l’élasticité et de la structure à la pâte et lui permet de lever (le mot gluten vient du latin et signifie colle).
Faire une pâte plus résistante au travail mécanique impliquait donc de sélectionner des blés ayant des glutens plus résistants, assurant une structure plus ferme à la pâte.
Plus résistants mécaniquement pendant le travail de pétrissage … mais aussi plus résistants au travail de digestion dans nos estomacs.
Il faut ajouter à cela l’abandon du levain au profit de la levure.
Le levain, grâce à une fermentation longue (entre 4 et 6 heures contre une demi-heure pour les pains à la levure), permet une prédigestion de l’amidon et du gluten par les bactéries et levures responsables de cette fermentation, et donc une digestion et une assimilation beaucoup plus faciles pour nous.
Plus résistant et non prédigéré par le levain, le gluten non digéré se retrouve dans les intestins, y causant des irritations pouvant engendrer des inflammations voire des réactions de rejet par le système immunitaire, plus ou moins violentes selon les cas.
D’une part, ce n’est plus le même gluten, et d’autre part il n’est plus travaillé de la même façon.
C’est la raison pour laquelle on a l’impression que nous sommes subitement devenus allergiques au pain alors qu’il était l’aliment de base de nos ancêtres.
Et c’est pourquoi de plus en plus de nos contemporains soit se détournent du pain, soit se tournent vers des pains sans gluten.
Pour ma part, je fais un autre choix : variétés anciennes de blé et levain.
Si vous voulez vous assurer que votre farine soit faite à partir de variétés anciennes de froment, il vaut mieux connaître la personne qui a cultivé ce blé, car cela ne sera pas noté sur le sachet.
L’idée est donc de vous adresser :
- À un paysan produisant de la farine à partir de son propre mélange de blés, et avec qui vous pourrez échanger en direct.
- À un petit moulin artisanal où vous pourrez avoir des informations quand aux blés qu’ils utilisent
Pour ma part, j’achète ma farine directement chez un paysan bio (en biodynamie pour être précis), cultivant son propre mélange de variétés anciennes de blé tendre.
(2) Qu'est-ce qu'un grain de blé ?
Un grain de blé est une graine prête à germer pour produire une nouvelle plante. Cette semence contient donc toutes les nutriments nécessaires au développement de la jeune plantule.
L’essentiel des fibres alimentaires, vitamines et minéraux sont présents dans la couche externe du grain : son enveloppe (ou son). Il contient une quantité non négligeable de protéines situées dans les couche périphériques du grain. Le germe est la potentielle amorce de la future plante, contenant surtout des graisses, des vitamines et des minéraux. La partie intérieure du grain (l’amande farineuse) est la réserve d’énergie mise là par la plante mère pour le démarrage de la plante fille. Dans les céréales, cette réserve d’énergie se compose essentiellement de glucides.
En gros, un grain de blé contient :
- 70 % de glucides
- 10 à 15 % de protéines
- 8 à 10 % de fibres
- 2 à 3 % de lipides
- 2 à 4 % de cellulose
- 2 à 3 % de sucres libres
- 1,5 à 2,5% de minéraux
- Des vitamines (principalement du groupe B).
(3) Mouture et tamisage
Ce grain de blé va donc être passé dans une machine pour le réduire en poudre. Traditionnellement, cette machine était un moulin actionné par l’eau ou par le vent, faisant tourner une meule de pierre mobile sur une autre, fixe.
À noter que les premières « meules », actionnées à la main par les hommes du néolithique pour écraser sommairement les grains de céréales (pour faire des bouillies avant même qu’ils commencent à faire du pain) étaient des outils devenus trop lourds pour être déplacés. On considère que c’est une des raisons qui ont poussé notre espèce à se sédentariser.
Les moulins traditionnels encore en fonctionnement sont devenus rares, même s’il en existe encore. De plus, certaines entreprises fabriquent des moulins à meule de pierre électriques dont sont équipés des paysans, pour la plupart bios, pour produire et vendre leur propre farine, issue de leurs mélanges de froment.
C’est le cas en particulier des moulins Astrié bien connus. Développé au départ par deux frères : André et Pierre Astrié, ce type de moulin produisant de la farine de haute qualité sont maintenant fabriqués par l’entreprise artisanale Astréïa.
Une deuxième forme de mouture est apparue au vingtième siècle : la mouture au cylindre. Les cylindres sont adaptés à la production industrielle de la farine : ils ont un meilleur rendement et éclatent le grain plutôt que de l’écraser, ce qui facilite l’élimination de l’enveloppe et du germe de blé pour produire de la farine blanche. D’un rendement plus faible, la mouture à la meule de pierre produit quand à elle un écrasement du grain qui a tendance à mêler intimement le germe et une partie du son à la farine, ce qui rend plus difficile la séparation, et favorise la production de farine complète.
Une fois moulue, la farine est tamisée pour éliminer une partie plus ou moins importante de ses particules les plus grosses (son mais aussi germe).
On distingue les farines en différents types, selon la finesse de la mouture :
- T45 : la plus blanche (utilisée pour les viennoiseries).
- T55 : farine blanche classique.
- T80 : farine bise.
- T110 : farine complète.
- T150 : farine intégrale.
Là encore, vous devez faire deux choix :
- farine moulue industriellement au cylindre ou farine moulue à la meule de pierre.
- farine blanche, ou bise, ou complète ou intégrale, avec toutes les nuances intermédiaires qui existent.
Pour ce qui me concerne, j’ai choisi, vous vous en doutez, de la farine moulue à la meule de pierre, justement avec un moulin Astrié.
Pour le type : de 80 à 110. La farine intégrale contient à mon sens trop de fibre et rend difficile la production d’un pain aéré. Quand à la farine blanche, elle permet certes la production d’un pain léger et agréable à manger, mais ne contient presque que des glucides : on perd une grande partie de la richesse nutritionnelle du blé de départ.
(4) Fraîcheur de la farine
Je me rappelle avoir lu un article il y a une vingtaine d’années faisant état d’une expérience menée sur des rats à qui l’on faisait manger de manière exclusive différentes sortes de pains : blanc, complet, bio, non bio et pain fait avec de la farine moulue fraichement (un jour ou deux), ou avec de la farine ayant plusieurs semaines de mouture. On observait l’évolution des rats et de leurs descendants.
Toutes les lignées de rats finissaient par dégénérer et donner des rats stériles au bout de quelques générations sauf la lignée ayant mangé du pain à la farine complète fraichement moulues.
Évidemment, le cas est extrème car les rats n’étaient nourris que de pain. Je n’ai d’ailleurs plus jamais entendu parler de cette expérience, même si je sais que certaines théories nutritionnelles recommandent de manger du pain fait avec de la farine fraîche.
Je ne suis pas personnellement fanatique sur ce critère et comme j’achète ma farine en sac de 25 kilos, il me faut quelques mois avant de finir mon sac. Mais je sais que quand je vais chercher ma farine à la ferme, la farine est moulue depuis un jour ou deux (la date de mouture est d’ailleurs inscrite sur le sac), ce qui fait qu’elle est fraiche au début, et n’a pas plus de 4 ou 5 mois à la fin du sac. Sans utiliser systématiquement de la farine fraîche, je m’assure cependant ainsi qu’elle ne soit pas trop ancienne tout de même.
En tout cas, c’est encore un critère qui à mon sens plaide en faveur d’acheter sa farine directement au producteur : on connait la date de mouture.
(5) La cohérence de nos choix
Remarquons qu’en matière de farine (et pas que) un choix en implique souvent un autre :
- Le système variété de blé moderne produit avec des pesticides, mouture industrielle au cylindre, farine blanche (donc débarrassée de l’enveloppe qui contient l’essentiel des résidus de pesticides), levée rapide de la pâte à la levure, baguette est un système cohérent qui a atteint son objectif : produire de la nourriture en masse pour un prix raisonnable. Il a résolu un problème d’approvisionnement de manière technique, mais ne s’est pas penché sur les conséquences nutritionnelles. Et il faut reconnaitre que les éléments du système se tiennent entre eux : il est difficile d’en changer un élément séparément.
- Le système blé bio de variétés anciennes, mouture à la meule de pierre, farine bise à complète, levée lente de la pâte au levain, pain complet au levain est un autre système cohérent, moins industrialisé, donc moins efficace pour la production de masse, mais à mon avis très supérieur sur le plan nutritionnel.
Vouloir mixer les deux systèmes est périlleux. Par exemple, si vous utilisez de la farine complète et que vous voulez faire du pain à la levure de boulanger, ce n’est pas forcément une bonne idée.
En effet, la farine complète contient de l’acide phytique, qui est une substance présente principalement dans l’enveloppe du grain (la farine blanche en contient donc beaucoup moins). Or cet acide a tendance à se fixer sur certains minéraux (fer, calcium, zinc, magnésium…) et à les entrainer dans les selles, il est donc considéré comme déminéralisant. À noter que l’acide phytique est aussi réputé avoir des effets protecteurs sur la santé, donc pas de diabolisation, tout est une question de dosage subtil dans la nature.
Lorsque le pain est fait avec de la levure, avec une fermentation rapide, l’acide phytique est peu dégradé, il reste dans le pain et empêche l’absorption des minéraux par le corps.
Par contre, lorsque le pain est fait avec du levain, avec une fermentation longue, l’acidité produite par le levain active des enzymes (les phytases) qui dégrader une grande partie de l’acide phytique présent dans la farine en vitamine B7 et en phosphore.
Pour résumer à gros traits, on peut dire que la farine complète est faite pour être panifiée au levain, alors que la farine blanche peut être panifiée à la levure.
(6) Choisir notre farine
Finalement, j’ai maintenant ma réponse à la question que je ne m’étais pas posée lors de ma première fournée, ce qui n’était pas pour rien dans l’échec de ma première tentative.
Une farine propre à faire du bon pain, ce n’est pas du tout le premier sachet que l’on trouve sur un étalage. Il convient de faire des choix, puis de chercher celle qui va leur correspondre.
Pour moi, il s’agit maintenant d’une farine achetée directement à un paysan bio près de chez moi (et le critère local est bien entendu important aussi), qui cultive son propre mélange de variétés anciennes de froment, et qui mout à la demande avec un moulin à meule de pierre une farine de type 80 à 110. Une matière première de très haute qualité avec laquelle le pain se fait tout seul !!
Aujourd’hui, les producteurs sont de plus en plus nombreux à moudre leur blé et à faire de la vente directe au consommateur. Si vous cherchez, vous en trouverez forcément un autour de chez vous…
Pour finir, une petite nouveauté dans ma cuisine depuis cette année, j’ai acheté sur le conseil de mon producteur un sac de farine de petit épeautre, que j’utilise depuis dans le pain. Je fais un mélange de farines contenant 500 grammes de petit épeautre en complément de ma farine de froment habituelle (soit environ 15% de la quantité totale). Je fais par contre mon levain exclusivement à la farine de froment, et je n’ajoute le petit épeautre qu’au moment de faire la pâte. Je ne peux pas dire exactement ce que cela change au pain, mais je suis satisfait du résultat. Il faudrait que je fasse en parallèle deux fournées avec et sans petit épeautre pour me rendre compte de la différence exacte que cela apporte. Cela pourrait d’ailleurs faire l’objet d’un prochain essai et d’un prochain article…
À vous maintenant de vous mettre en quête de votre farine, si ce n’est pas déjà fait. Partagez nous vos trouvailles dans les commentaires. Mon ambition serait d’ailleurs de créer un réseau de boulangers amateurs qui partageraient sur une carte leurs adresses pour les meilleures farines autour de chez eux afin que les « nouveaux » d’entre nous soient directement informés des bons plans…
Bonnes recherches à tous !!